Remodelage des épis



Dans la lettre d'information N° 56, de janvier 2014, un article a été consacré aux outils utilisés pour apprécier les déplacements du sable et l'évolution des fonds du lit de la Loire, en particulier dans le cadre du remodelage des épis. Il n'avait alors pas été possible de donner un premier bilan de l'année 2013 toutes les données n'ayant pu être exploitées par les spécialistes.
Entamée en 2009, l'opération remodelage des épis a fait l'objet d'une restitution synthétique des résultats à la fin de 2013. Les délais nécessaires à cette restitution s'expliquent par la quantité importante des mesures effectuées et le travail nécessaire à leur exploitation. C'est considérable.
Pour mémoire, rappelons que cette opération expérimentale a pour objectif de rehausser la ligne d'eau d'étiage sans avoir toutefois des effets notables sur celle-ci pour des débits de hautes eaux.

Le suivi a été fixé à 5 années comprenant au minimum :
- 2 crues significatives d'un débit supérieur à 3100 m3/s à Montjean-sur-Loire
- 2 étiages significatifs d'un débit inférieur à 200 m3/s à Montjean-sur-Loire.

Le choix particulier de deux crues supérieures à 3100 m3/s est important car il s'agit de crues dites "morphogènes" (qui déterminent la forme) c’est-à-dire qui interviennent sur les déplacements des granulats du lit et contribuent à son évolution.
Dans le cadre du suivi des effets du remodelage des épis, trois thèmes sont essentiels :

- L’évolution de la ligne d'eau à débit identique,
- La remobilisation des sédiments entre les épis et l'évolution du fond du lit,
- La répartition des débits et des vitesses dans l'ensemble du chenal.

En complément, il est prévu :

- Le suivi de la nappe alluviale,
- Le suivi de la flore et des habitats,
- Le suivi de la navigation et de la pêche,
- L’évolution paysagère du chenal.

Depuis le lancement du programme, une seule crue morphogène a eu lieu en février 2013 (3510 m3/s), par contre des étiages significatifs (inférieurs à 200 m3/s) ont eu lieu durant les années 2011, 2012, et 2013.
A la fin de 2013, toutes les conditions ne sont pas réunies pour tirer des conclusions définitives mais des tendances semblent s'affirmer.

La remobilisation des sédiments.

Il faut avoir à l'esprit que les mesures sont effectuées dans des conditions hydrauliques qui ne sont pas toujours strictement identiques avec des outils de mesure très différents (chaînes d'érosion, levées bathymétriques multifaisceau ou monofaisceau, télédétection aérienne par laser, etc.) et que celles-ci sont nécessairement analysées, secteur par secteur.
C'est ce travail conséquent des scientifiques qui explique les délais de restitution mais aussi la difficulté de restituer ces résultats difficilement compréhensibles pour les béotiens que nous sommes. Tout au plus, faut-il retenir les tendances qui se dégagent à savoir que les 11 jours de débit supérieur à 3100 m3/s, en 2013, ont permis une forte remobilisation des sédiments et une modification notable des grèves. Il a été observé une tendance au déplacement sédimentaire vers l'aval, ce qui est logique, mais d'une façon toutefois mesurée.
Du point de vue de la granulométrie des sédiments, la situation est là aussi complexe. Certains secteurs se caractérisent par une augmentation notable, voire importante, de la granulométrie des dépôts alors que d'autres secteurs conservent une granulométrie stable.
Les vitesses d'écoulement dépendent des débits du fleuve, de son profil en travers et de ses sinuosités. A titre indicatif les plus fortes vitesses sont mesurées en général dans la partie la plus profonde du lit et pour un débit de 860 m3/s elle est de 1m/s et atteint 1,6 m/s pour un débit de 3200 m3/s.

L'évolution de la ligne d'eau

In fine, c'est le thème qui permet d'apprécier l'efficacité du remodelage des épis. Cela ne signifie nullement que toutes les mesures et analyses en relation avec les thèmes précédents sont inutiles, bien au contraire elles sont indispensables à la compréhension du résultat final.
Rappelons que les effets attendus sont un relèvement de 25 à 35 cm de la ligne d'eau en étiage et un effet nul pour un débit moyen de 575 m3/s.
Deux stations de mesure du niveau en continu sont opérationnelles à La Pointe et à La Possonnière et peuvent être ainsi mises en corrélation avec les débits de Montjean-sur-Loire. En outre, des levées de lignes d'eau sont réalisées longitudinalement dans le chenal pour des débits de référence tels que 150 m3/s, 600 m3/s, 1500 m3/s, etc.
Par-delà les débits qui ne sont pas toujours strictement identiques pour permettre une appréciation des niveaux, toutes choses égales par ailleurs, ou des défectuosités des moyens de mesure, il apparaît un gain de niveau de 20 à 25 cm, à La Possonnière, par rapport à 2009. Pour La Pointe, l'appréciation est plus délicate car des anomalies ont été observées durant les années précédentes, un rehaussement de 20 à 30 cm peut être raisonnablement estimé par rapport à 2009.

Les autres thèmes de suivi

Il s'agit, pour ces quatre thèmes, de vérifier quels sont les effets possibles du remodelage des épis.
Pour ce qui concerne la nappe alluviale, il apparaît que ce n'est pas un élément significatif car le niveau de la nappe évolue avec celui du fleuve et sa variation est déphasée par rapport à celle du fleuve en fonction de la distance du point de mesure par rapport au chenal.
Le suivi de la flore et des habitats est intéressant et indispensable, d'autant qu'il s'agit d'un site NATURA 2000. Il s'agit particulièrement de l'avifaune représentée essentiellement par les Sternes naines et le Petit Gravelot. Les grèves, objet du remodelage, concernent essentiellement le Petit Gravelot. Quelques couples ont pu être observés, dont l'un avec quatre jeunes.
Concernant la navigation et la pêche, seules les données des bulletins de navigabilité de VNF sont exploitables et font apparaître, dans les cas les plus défavorables, des tirants d'eau de 95 cm.
La perception paysagère à l'aide d'une campagne photographique n'a pas encore été réalisée.

Conclusion

Le bilan, au terme de cette quatrième année (2013) va être enrichi par les relevés effectués en 2014 car une crue de 3570 m3/s a eu lieu mi-février 2014 et l’on peut estimer, qu’au terme de cette opération expérimentale, les résultats et les connaissances acquis permettront d’éclairer les travaux à engager dans le cadre du programme de la reconquête morphologique du lit de la Loire.

L'extrême complexité du dossier, tant du point de vue des mesures que de l'interprétation des résultats, démontre, s'il en était encore besoin, que nous sommes confrontés à un fleuve qui vit et que toute intervention humaine, pour aussi maîtrisée qu'elle soit, est loin de se traduire par des conséquences figées. Cela ne peut qu'inciter à la plus grande prudence, à la plus grande modestie, et le déroulement de ce programme expérimental ne peut que nous encourager au respect d’une Loire Vivante.

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